Tarendol est un vélo. Un vélo « de route », comme on dit aujourd’hui (autrefois, on les disait « de course », mais on s’est aperçu qu’il ne fallait pas exagérer). De marque « Peugeot »! On ne croirait pas, mais elle existe encore. Cependant on ne peut pas compter sur elle pour créer immédiatement une image de trader disruptif. Bref. Tarendol est un vélo d’un certain âge, comme son propriétaire, pardon, son cavalier, car tous deux entretiennent une relation où la subordination est fortement atténuée par un sentiment de complicité partagée.
Tarendol a été baptisé du nom d’un hameau des Baronnies, célébré par l’écrivain René Barjavel, dont la famille en est originaire, et où il est enterré, face au Ventoux, sous une couche de gravier et une touffe de valériane. Tarendol (le vélo) aime à s’arrêter à Tarendol (le hameau) à la redescente du col du Soubeyran, son préféré.
Les aventures de Tarendol se déroulent largement dans les Baronnies provençales, mais aussi le Haut-Vaucluse et, les jours de flemme, la plaine et les douces collines du Triscatin. Il jouit des longues traversées des oliveraies, mais tout autant des altitudes où dominent les prairies, les marnes et les lavandes.
Tarendol, bien qu’il ne sache pas lire, aime les livres. A côté d’un platane à l’ombre généreuse, il a trouvé avec plaisir un abribus, qui pourrait aussi servir d’écurie ou de garage à vélo, transformé en bibliothèque de partage. On y amène ses livres, on peut en prendre d’autres. C’est à Saint-Sauveur-Gouvernet, au pied du col de Soubeyran, non loin de Tarendol (le hameau); un haut lieu de la culture de l’abricot. Dans sa calme solitude estivale, lorsque la chaleur monte, c’est un village si calme qu’il exhale un parfum de mystère. A qui appartinrent ces livres, dans l’abribus? Qui a rêvé en les lisant, qui a corné ces pages, qui a commis cette petite tache de café? Était-ce derrière ces volets-ci, ou ces volets-là? Saint-Sauveur reste muet.