Techniques antiques

Après la « techno » des années 2000, illustrée pour l’Odyssée de l’Olivier par l’article d’Abdelaziz Kallel (ici) avec le recours à l’imagerie satellitaire pour le suivi de la santé des oliviers, faisons maintenant un petit plongeon dans le passé.

Le vin et l'huile dans l'Antiquité romaine, JP BrunLà, c’est l’archéologue Jean-Pierre Brun, professeur au Collège de France, qui nous y invite par son cours sur « la technique et l’économie de l’huile de l’olive dans la Méditerranée antique », dont une première partie a été donnée durant l’automne dernier. A suivre, pour notre plus grand plaisir et notre plus grand intérêt.

Ce cours est disponible en intégralité sur Internet (ici). On y apprend toutes sortes de choses, sur les méthodes de récolte, de pressage, de transport et de distribution de l’huile. Précédemment, Jean-Pierre Brun s’est intéressé notamment au vin et aux parfums antiques. Quoi de plus important, en effet, à cette époque? Pourtant l’archéologie a mis du temps à se saisir de ce qu’on appellerait aujourd’hui les « technologies »; d’une part parce que les traces en sont moins facilement appréhendables que celles des temples et des palais; d’autre part, probablement, pour des raisons quasi idéologiques qui ne sont pas très éloignées d’une sorte de « mépris de classe » spontané envers les activités populaires, l’artisanat et l’industrie. Mépris que l’on retrouve chez les intellectuels de l’Antiquité eux-mêmes, à quelques exceptions près. Dont une notable: Virgile, dont les Géorgiques, inimitables, sont à la fois un poème et un traité d’agronomie! Jean-Pierre Brun est de ceux qui ont rompu avec ce désintérêt, considérant à juste titre que l’archéologie des techniques, pour difficile qu’elle soit, en dit long sur l’histoire des civilisations, disons même qu’elle est l’histoire des civilisations.

Dans deux mille ans, collègues ingénieurs, soyez rassurés: après la mise au jour des ruines des lieux de pouvoir, palais de l’Elysée,  Maison-Blanche, « Berlaymont » de verre et de béton abritant la Commission Européenne à Bruxelles, il se trouvera des émules de Jean-Pierre Brun pour se pencher sur la fabrication additive, et mieux, pour renflouer les étages d’Ariane couchés au fond de l’Océan Atlantique.

2009-b03-archeobiologie-de-la-domestication-de-l-olivier-en-mediterranee-occidentale[1]Jean-Pierre Brun a fait appel à plusieurs de ses collègues européens pour éclairer tel ou tel aspect de son cours. C’est ainsi que Jean-Frédéric Féral, archéobotaniste, nous a expliqué comment, à partir de branches et de noyaux carbonisés (seul cas où le bois a pu parvenir jusqu’à nous, évidemment), il sait très scientifiquement reconstituer les différentes variétés, identifier leur parcours méditerranéen au fil des siècles, reconstituer les influences de telle aire sur telle autre, jusqu’à mettre en cause l’idée communément admise jusqu’alors, selon laquelle l’olivier dit « domestique » serait né en Orient et aurait été apporté en Occident par les voyageurs et colons phéniciens ou grecs: en fait il semble clair que des foyers de « domestication » occidentaux se sont d’abord développés de façon indépendante, avant que l’influence orientale ne se concrétise indiscutablement. De même, l’olivier est-il venu du Maroc vers l’Espagne, ou l’inverse? Vous en saurez plus en consultant sa conférence sur Internet, même adresse. Et cela n’a l’air de rien, mais ces circonstances historiques sont de celles qui alimentent, de façon bien sûr très excessive et artificielle, la construction des identités nationales et des orgueils afférents…

Au fait, j’ai mis le mot de « domestication » entre guillemets parce que j’ai toujours du mal à considérer l’olivier comme le domestique de l’homme. J’ai la même réticence à propos des chats. C’est une alliance, pas une soumission…

Pour en revenir aux techniques proprement dites, il y a beaucoup à en dire (un cours entier du Collège de France!). Mais ce sera pour une autre fois. L’image en exergue à cet article représente la simple cueillette. Pas besoin de beaucoup de technique. Il en fallait bien plus pour le pressage, qui a commencé… avec les pieds, comme le raisin: on a identifié en Turquie des auges destinées à cet effet; viennent ensuite les meules de granit nommées trapeta et les pressoirs à vis, dont voici un exemplaire retrouvé à Herculanum.

Pressoir à coins Herculanum

(avec la gracieuse autorisation de J-P Brun – de même que pour l’image de tête).


Une réflexion sur “Techniques antiques

  1. La domestication correspond à l’adaptation aux besoins de l’homme, avec ou sans modification génétique. En ce sens, l’Olivier est domestiqué sans doute; mais plus avant, et en s’intéressant aux étymologies, Ulysse ne fit il pas d’un Olivier son lit et le cœur de sa maison, domestication par excellence ? Loin d’en être le serviteur, l’Olivier est alors une fondation de la Maison humaine…

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